Le pari du retour de la F1 à Las Vegas
Par Pascale Baziller | Le | Grands événements
Après quarante et un ans d’absence, le Grand Prix de Formule 1 de Las Vegas a fait son retour. Une édition nocturne, un circuit dans la ville, des investissements colossaux. Un événement attendu qui a connu quelques incidents et suscité bon nombre de réactions.
C’est le pilote Néerlandais Max Verstappen (Red Bull) qui a remporté sa 18e victoire de la saison le week-end dernier au Grand Prix de Las Vegas (du 6 au 18 novembre 2023) devant Charles Leclerc et Sergio Perez. Cet événement vitrine de la Formule 1 aux Etats-Unis était très attendu par le public et les différentes parties prenantes.
À l’heure où les audiences pour le sport automobile sur la chaine américaine ESPN sont en forte croissance et face au succès de la série documentaire sur les coulisses de la Formule 1 « Drive to Survive » diffusée sur Netflix, Liberty Media (société américaine) propriétaire de la discipline (depuis 2017) a engagé une stratégie de développement sur son territoire. Pour le retour de la course, elle a ainsi réalisé de gros investissements pour séduire le marché américain. Reste que le dispositif n’a pas manqué de susciter moult interrogations et d’essuyer certaines critiques entre riverains mécontents et problèmes de logistique.
Une piste au cœur de la ville
Plus de quarante ans après les deux précédentes éditions (1981 et 1982), ce troisième Grand Prix s’est déroulé en nocturne et non pas le dimanche comme d’habitude mais le samedi (18 novembre départ à 22 h, 7h en France le dimanche) avec les qualifications la veille, afin de faciliter le suivi de la course aux États-Unis mais aussi à l’étranger (avec le décalage horaire). La grande nouveauté de cette nouvelle édition était le nouveau tracé de la course, non plus sur le parking du Caesars Palace mais sur une piste traversant la ville dont la « Strip » et passera devant quelques-uns des prestigieux hôtels et casinos (Venetian, Caesars Palace…). Un circuit long de 6,120 kilomètres, avec une ligne droite de 1,9 kilomètre pouvant occasionner des vitesses de pointe de 212 km/h et 17 virages. 54 000 mètres carrés d’écrans Led ont ainsi été installés pour éclairer le tracé nocturne et offrir un spectacle sportif inédit aux spectateurs.
Un avant-goût était donné avec une cérémonie d’ouverture (Formula One) dans l’esprit du « halftime show » du Super Bowl. Au programme, de la musique (keith Urban, Will.i.am, Andra Day, Steve Aoki…), un spectacle de drones et la présentation des pilotes autour de boîtes géantes, une mise en scène qui n’a pas été du goût de certains d’entre-deux. N’en demeure pas moins un véritable show à l’américaine à grand renfort de technologies.
Des investissements colossaux
Le coût du chantier comprenant le revêtement de la route, la construction des bâtiments et des tribunes s’élève à environ 560 millions de dollars (soit 516 millions d’euros). Les travaux de la piste et du paddock (bâtiment permanent) ont duré plus de huit mois et occasionné de nombreux désagréments (bruit, encombrement, problèmes de circulation, non-visibilité de certaines attractions…) suscitant la colère des habitants de la ville mais également des employés des différents établissements établis dans la zone. Greg Maffei, le directeur général de Liberty Media, s’en est même excusé publiquement quelques jours avant le départ de la course et a mis en avant les atouts du circuit et de l’événement pour la région notamment en termes de revenus. Le propriétaire de la F1 a estimé à 1,7 milliard de dollars (1,56 milliard d’euros) les retombées économiques.
Il est vrai que certains chiffres ont de quoi faire tourner la tête. Les billets d’entrée pour trois jours se sont vendus à 1500 dollars et plus, l’accès au nouveau paddock Club à 15 000 dollars, des Pack VIP ont été commercialisés à des prix exorbitants (5 millions de dollars pour le « forfait Empereur » du Caesars Palace avec Villa qui surplombe le Strip et nombreuses prestations). De nombreuses prestations Vip ont été proposées par les acteurs locaux (dîner chez des chefs étoilés avec vue sur la piste, soirées privées…) qui n’ont pas manqué d’investir. Les marques mais également les écuries ont aussi réalisé des investissements (aménagement de lieux…) et des collaborations inédites pour l’occasion. Sports Illustrated (magazine sportif américain) par exemple a ainsi transformé le restaurant Margaritaville du Flamingo au Club SI. L’heure est au bilan. À noter toutefois qu’à quelques jours du départ de la course, l’événement ne faisait pas le plein. Les places ont dû être bradées, certaines à moins 50 %. De même, les hôtels qui avaient gonflé le prix des chambres pour le week-end ont revu leurs prétentions à la baisse.
Une action judiciaire engagée
Lors de la première séance d’essais libres (jeudi 16 novembre), l’espagnol Carlos Sainz (Ferrari) lancé à pleine vitesse connaît un violent choc en raison du couvercle d’une bouche d’égout, huit minutes seulement après son entrée sur le circuit. Sa voiture est lourdement abîmée. À la suite de cet incident, la séance a été interrompue pour permettre de vérifier et sécuriser toutes les plaques d’égout disséminées sur les 6,2 kilomètres du tracé urbain. Les spectateurs ont dû quitter les tribunes. Les vérifications ont duré 4 heures. De fait, la deuxième séance d’essais libres a démarré à 2h30 du matin au lieu de minuit sans public. Pour cause, entre-temps, le public et également les VIP des hospitalités ont été évacués du circuit pour des raisons de personnel (sécurité, transports…) au-delà d’une certaine heure. En dédommagement, les détenteurs d’un billet pour la seule journée de jeudi ont reçu un bon d’achat de 200 dollars à dépenser dans les boutiques officielles du Grand Prix, avait annoncé la F1. Autant dire que cette première journée a mal tourné et qu’elle a laissé un goût amer au public. Elle se solde par une action judiciaire collective engagée par 35 000 spectateurs à l’encontre des organisateurs du GP de F1 de Las Vegas, a appris dimanche 19 novembre l’AFP auprès des organisateurs, confirmant une information de presse.
Si le Grand Prix a suscité bon nombre de critiques et de craintes notamment en raison du tracé urbain et de l’incident lors des essais libres, le week-end s’est plutôt bien déroulé. Les pilotes dont certains ont exprimé au départ des réticences ont apprécié la course, la qualifiant de belle ou super. Une épreuve sportive au rendez-vous. L’accord signé entre Las Vegas et la F1 a été signé pour trois ans (2026). Les prochaines éditions seront déterminantes pour un prolongement de cette relation.