Gilles Fournier (International Paris Air Show) :« Notre chiffre d’affaires est en légère progression »
Par Pascale Baziller | Le | Grands événements
La 54e édition du Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE) se tient du 19 au 25 juin à Paris-Le-Bourget. Près de 2500 exposants, 300 000 visiteurs attendus à cet événement de référence mondial qui présente les dernières innovations pour l’aviation du futur. Gilles Fournier, CEO du SIAE expose les nouveautés et les enjeux de ce rendez-vous.
Le salon international de l’aéronautique et de l’espace (ou International Paris Air Show/Salon du Bourget) revient après quatre ans d’absence en raison de la pandémie. Quelle est la tendance ?
La tendance est bonne. Tous nos halls (52 000 m2 de stands), nos 335 chalets et nos surfaces d’exposition en extérieur (25 000 m2) affichent complets. Nous avons vendu cette édition plus de six mois avant son ouverture. Nous accueillons 2453 exposants issus de 49 pays avec la présence de 304 délégations officielles et 7 organisations internationales. Les États-Unis reviennent en force, c’est la première fois qu’il y a un tel dispositif avec un hall dédié pour 300 exposants américains. C’est le plus gros exposant étranger avec une présence massive de toute l’industrie américaine.
Quels sont les enjeux de cette nouvelle édition ?
Le secteur du transport aérien a souffert à la suite de l’arrêt des vols et la fermeture des usines en raison des conséquences de la pandémie. Il s’est donc retrouvé face à un retard de production comme toute l’industrie mondiale. Si depuis un an, nous assistons à une nette reprise d’activité dans le secteur événementiel, nous avions plutôt anticipé une reprise douce de notre salon. Mais, pour notre plus grande satisfaction, ce n’est pas le cas. Nos espaces d’exposition affichent complets car nous avons une industrie qui fonctionne extrêmement bien en termes de prise de commandes. Néanmoins, toute la chaîne de sous-traitance reste confrontée à une crise de l’offre en raison entre autres des crises des matières premières, de la production, du recrutement, et de la baisse de productivité. La situation ne sera pas stabilisée avant 2024. Toujours est-il que nous sommes sur un marché en pleine reprise avec 10 ans de production devant lui. Cela ouvre de nombreuses opportunités de business. Ce sont 140 milliards de dollars de contrats qui sont signés sur le salon. Concernant le transport aérien, nous retrouvons des chiffres équivalents à ceux de 2019 maintenant que l’Asie a rouvert ses frontières. Le niveau devrait se stabiliser d’ici la fin de l’année. De fait, les acteurs de la chaîne ont donc besoin de se rencontrer, d’échanger avec leurs fournisseurs et leurs clients. Le salon du Bourget en bénéficie directement, surtout après une absence de quatre ans (en raison du Covid-19). C’est un événement qui a une caractéristique unique au monde, celle de recevoir à la fois des professionnels pendant la semaine et le grand public le week-end.
Pourquoi avoir fait ce choix ?
Depuis que le salon est installé au Bourget, le GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) et la filière française de l’aéronautique souhaitent partager sa passion et son salon avec le grand public le week-end. Cet événement permet de créer des vocations, d’autant plus aujourd’hui dans un contexte de tension en matière de recrutement. Nous recherchons 25 000 personnes pour l’année prochaine. D’ailleurs, le salon est gratuit pour les étudiants et les demandeurs d’emploi tout le week-end. De fait, nous avons aménagé un espace dédié à la formation où sont présentes toutes les écoles, du BEP jusqu’aux écoles d’ingénieurs. Nous y animons une exposition « L’avion des métiers » où interviennent des compagnons, des ouvriers, des techniciens et des ingénieurs. C’est la 5e fois que nous produisons cette animation qui attire les jeunes. Le GIFAS qui a lancé l’année dernière « L’aéro recrute » pour recruter les talents de demain déploie cette opération sur le salon du Bourget, du 23 au 25 juin. Les potentiels candidats pourront ainsi venir à la rencontre des sociétés exposantes qui recrutent. Près 150 entreprises exposantes ont répondu favorablement à cette initiative. Le salon du Bourget, ce sont aussi de nombreuses animations dans les allées proposées aux visiteurs mais aussi des expositions, des conférences et des démonstrations en vol à travers des spectacles aériens.
Quelles sont les grandes nouveautés sur cette édition ?
Nous produisons la première exposition de taxis volants au monde, les eVTOL (aéronefs électriques à décollage et atterrissage verticaux). C’est la première fois que le salon du Bourget réunit l’écosystème avec une dizaine de constructeurs majeurs dans un espace de 1000 m2 baptisé Paris Air Mobility, situé dans le Hall 5. Cet espace propose aux professionnels et au grand public de découvrir les dernières innovations technologiques des prototypes en statique et d’assister à la démonstration en vol du Volocity - VC200 de Volocopter. Il combine une zone d’exposition où les fabricants et les startups présentent ainsi leurs produits et services qui feront le transport urbain du futur et un programme de conférences organisé en partenariat avec Aviation Week Network, le premier media mondial aéronautique et spatial. Ensuite, nous avons lancé l’opération Start-Me-Up. Nous avons invité les start-up françaises et internationales de l’aéronautique et du spatial à venir exposer chez nous. Elles sont près de 300 start-up implantées sur des pavillons régionaux et institutionnels, des stands exposants et des stands dédiés. Notre souhait est d’allier le monde dit traditionnel de l’aéronautique et ces jeunes pousses qui créent une vraie dynamique et nous font tous progresser notamment dans le spatial mais aussi dans beaucoup d’autres domaines.
Comment le SIAE appréhende les enjeux RSE, un sujet au cœur des débats ?
Nous avons été parmi les premiers organisateurs de salon au monde à être certifiés 20121 en 2013. Depuis dix ans, nous continuons à travailler sur la norme avec une obsession de notre empreinte écologique. Aujourd’hui, nous sommes une PME de 15 personnes avec un responsable RSE à temps plein, nous travaillons sur les 17 objectifs de développement durable onusiens (ODD) au même titre qu’un grand groupe international. Nous nous sommes fixé une dizaine d’objectifs sur les 17 ODD. Mais, la responsabilité sociétale et environnementale (RSE), c’est d’abord la question de l’humain. Cela commence par veiller au respect et aux conditions de travail des 10 000 personnes intervenant sur le chantier. Ensuite, nous nous occupons du tri de nos déchets, la récupération de la nourriture et des matériaux, la consommation de plastique et de notre empreinte carbone. Nous avons certains indicateurs qui nous permettent de mesurer notre marge de progression et celle de nos exposants. Il est certain que ce qui se voit et s’entend, ce sont les avions qui volent au-dessus du salon. Or, leur consommation de kérosène représente moins de 5 à 10 % de notre bilan carbone global. Le secteur événementiel et surtout le secteur aérien sont très critiqués sur leur empreinte écologique et leur empreinte carbone. Le GIFAS a souhaité apporter des réponses à ces critiques. Il produit depuis trois éditions le Paris Air Lab, une exposition sur 1000 m2 qui porte cette année sur la décarbonisation du transport aérien. Les visiteurs peuvent découvrir les innovations en cours sur les technologies, les opérations aériennes, les sources d’énergie non fossiles, les usines du futur, la fabrication des nouveaux avions, l’allégement des matériaux… À travers cette exposition, nous voulons expliquer aux institutionnels, au grand public et aux médias ce que notre industrie va faire dans les 30 prochaines années et notre volonté de décarboner l’aviation.
Vous produisez des événements pendant le salon. Concevez-vous également des stands ?
Mon métier est de produire un salon avec la promesse d’amener un visitorat de qualité, des animations et une organisation sans failles. Nous pourrions comme en Allemagne être producteur de salons et constructeur de stands. C’est une stratégie qui fonctionne. Mais en tant que syndicat professionnel et organisateur de salon, nous n’avons pas envie de nous disperser.
Quel est le modèle économique du SIAE ?
Comme tous les salons, notre modèle repose sur la vente des m2 dans les halls et en extérieur qui représente 95 % de nos recettes auxquelles s’ajoutent la billetterie, la pub (panneaux publicitaires, goodies…)… Le salon est bénéficiaire. Nous redistribuons ce bénéfice à notre actionnaire qui est un syndicat professionnel au service d’une profession. Notre chiffre d’affaires est de l’ordre de 70 millions d’euros. Il est en légère progression. En effet, comme tous les secteurs, nous subissons une inflation qui peut monter jusqu’à 15 %, ce qui nous a contraints à augmenter nos prix de l’ordre de 8 %.
La sécurité est-il votre plus gros poste de dépense ?
oui, le budget sureté, sécurité et fluidité est un de nos plus gros postes de dépense. Il représente plusieurs millions d’euros et a encore augmenté pour cette nouvelle édition. Le SIAE n’est pas un salon comme les autres. Faire voler des avions nécessite un système d’organisation, de sûreté et de sécurité très conséquent. Ce système commence dès le démarrage du chantier, soit deux mois avant l’événement, et jusqu’à la fin du démontage pour veiller à la sécurité des personnels. Nous avons également des équipes extrêmement renforcées pour aider nos exposants à circuler et à travailler en toute sûreté et sécurité.