Antoine Mercadal (Criteo) : « Nous avons transféré nos budgets événementiels sur un programme local »
Par Pascale Baziller | Le | Marques & entreprises
Spécialiste du commerce media, Criteo a récemment changé de stratégie événementielle interne. Antoine Mercadal, Senior Director Expérience Employés Criteo explique les enjeux de ce changement et de la communication événementielle pour un groupe du secteur de la tech à la population jeune.
En quelques mots, pouvez-vous nous présenter Criteo ?
Criteo, spécialiste du Commerce Media, est une entreprise d’envergure internationale dans le secteur de la publicité digitale. Elle fournit aux spécialistes marketing, aux marques et aux médias des outils et des solutions pour augmenter leur ROI et leur efficacité publicitaire en ciblant les bonnes audiences et en offrant une expérience publicitaire personnalisée et impactante tout au long du parcours d’achat des consommateurs. L’entreprise a été créée en 2005, elle est cotée au Nasdaq depuis 10 ans (octobre 2013). Elle réunit aujourd’hui 3500 salariés dans 20 filiales dans le monde.
Comment s’organise la communication événementielle ?
Nous avons deux grands axes. Le premier est l’événementiel marketing à destination de notre écosystème et nos clients, il est notamment géré par ma collègue Emily Marquez, basée à New York City. Le second est l’événementiel interne et de marque employeur qui s’adresse à nos employés et nos futurs recrutés, dont j’ai la charge. Nous avons une population interne relativement jeune, la moyenne d’âge est de 32 ans. Notre but est de répondre aux besoins de cette base de salariés qui n’a pas les mêmes besoins que celle de salariés plus âgés ayant 40-65 ans et travaillant dans des secteurs plus traditionnels comme l’automobile, la banque ou les laboratoires pharmaceutiques. Nous activons ainsi des leviers « trentenaires » de bien-être au travail pour favoriser les échanges, le networking et plus de convivialité. Nous sommes à la fois une entreprise jeune et de la tech. La tech a depuis toujours un ADN « coolness » que recherchent les gens travaillant dans ce secteur. Cette spécificité s’est généralisée comme étant la proposition de valeur des employeurs de la tech pour attirer les talents, surtout ceux en recherche et développement. Notre culture d’entreprise doit donc être à la fois efficace et « cool » pour atteindre cette population. Notre proposition de valeur est similaire aux GAFA, c’est à dire une marque employeur très forte et attentionnée vis-à-vis de ses employés où le bien-être au travail est prioritaire depuis longtemps, bien avant les dernières tendances post-Covid.
Comment cela se traduit-il en termes de stratégie ?
Nous avons récemment modifié notre stratégie interne pour deux raisons. La première est le changement de réalité et le rythme de travail. Depuis le Covid, nous sommes sur un modèle de travail hybride et flexible où les employés ont le choix tous les jours de venir au bureau ou de rester chez eux. Cette flexibilité du « hybrid work model » (modèle de travail hybride) est d’ailleurs plébiscitée par nos salariés comme étant l’un des principaux avantages en étant chez Criteo. Mais le fait que les gens soient moins présents au bureau, cela restreint la connexion sociale, le networking, la connexion à la culture d’entreprise et le sentiment d’appartenance qui s’opèrent habituellement au bureau. Comment y remédier ? Nous avons décidé de transférer nos budgets événementiels qui étaient très concentrés sur de grands événements à l’échelle régionale ou globale, représentant les flagships de la culture d’entreprise, pour revenir à un programme plus local avec des événements plus petits et plus fréquents. L’objectif est de maintenir le lien social et favoriser les échanges mais également recréer un sentiment communautaire à l’échelle des villes et de nos propres bureaux. L’idée est de réinvestir nos bureaux dans un mode plus événementiel pour leur redonner de la valeur et de l’attractivité afin que nos salariés voient un intérêt supplémentaire à venir régulièrement au bureau. Nous avons ainsi rénové tous nos bureaux pour en faire des espaces plus conviviaux, de networking et de brainstorming collaboratif plutôt que juste des grands open-spaces.
La deuxième raison du changement de notre stratégie interne s’inscrit dans le respect de nos engagements écologiques. Nous travaillons sur la baisse de notre empreinte carbone, l’objectif est de réduire de 30 % nos émissions carbone d’ici 2030. Nous devons donc nécessairement revoir nos plans événementiels pour être en cohérence avec nos engagements et répondre à la demande de nos employés. Notre population jeune est très alerte sur l’environnement et le développement durable. Elle n’hésite pas à pointer du doigt nos incohérences écologiques. C’est une tendance forte que nous constatons en Europe et qui commence à se développer aux États-Unis.
Quand avez-vous décidé d’opérer ce changement de stratégie ?
Ce changement est né d’une réflexion après le Summit Global Criteo que nous avons organisé en juin 2022, en Croatie qui réunissait 2800 personnes venant des 4 coins du monde. Nous avions souhaité post-Covid refaire très vite un grand rassemblement pour nous retrouver et retrouver nos traditions. C’était un vrai défi en termes d’organisation notamment en raison des règles de voyage liées au Covid encore largement en place. Nous aurions pu continuer à produire cet événement, les restrictions Covid s’amenuisant dans le temps de façon pérenne. Mais à partir du moment où les salariés ne sont pas obligés de venir un certain nombre de jours au bureau, la question qui s’est posée est comment maintenir la cohésion d’équipe et le lien social ? La réponse est d’adresser en tout premier lieu le besoin de connectivité au niveau local.
Qu’avez-vous mis en place ?
Nous avons renforcé au niveau local les budgets des managers ou des responsables de département destinés à leurs événements de tous formats, les séminaires, les team building, les activités sociales diverses… En revanche, les séminaires d’équipes et les événements d’envergure en France et à l’international sont gérés par le département événementiel interne situé à notre siège en France. Cette année, cela a représenté environ une dizaine de séminaires de plus de 50 personnes.
Votre budget consacré à la communication événementielle a-t-il évolué ?
Oui, notre budget événementiel a fortement baissé. Cette baisse est due d’une part aux économies réalisées par l’annulation du Summit Global connu pour être un des plus gros de budgets de communication interne en France. Il représentait plus de la moitié de notre budget qui n’a pas été compensée par la somme des petits événements. D’autre part, notre budget est lié à l’économie de notre marché. Nous sommes dans une période où nous sommes vigilants dans nos investissements.
Quels sont les dispositifs événementiels que vous développez pour toucher votre cible B2B ?
Ma collègue Emily travaille sur deux volets. Le premier est un programme de salons conséquent. Les principaux salons qui ont une importance business majeure représentent une vingtaine d’opérations à l’année, ils sont répartis dans le monde entier en grande majorité aux États-Unis et en Allemagne qui accueille les deux plus gros salons du marketing digital. Nous avons un espace Criteo pour rencontrer nos clients et nos prospects, un programme de networking social autour du stand et des activités pour créer des opportunités de discussion commerciale.
Le second volet, ce sont les événements Criteo en nom propre dans certains pays quand le marché s’y prête. Ce format est très répandu dans la tech, une conférence annuelle avec des interventions internes et externes et la présentation de nos nouveautés et des évolutions de nos produits. Nous en organisons plusieurs en Asie dont le plus grand événement rassemble l’écosystème coréen chaque année, soit 500 à 600 personnes. À côté, nous organisons les Exécutif Connect où nous invitons par exemple les 50 meilleurs contacts d’une industrie comme le voyage en France. Ces événements sont construits autour d’ateliers, de brainstormings, de présentations des dernières évolutions et opportunités par rapport aux avancées technologiques. L’avantage de ces petits groupes est de pouvoir personnaliser le contenu à un secteur d’activité ou à un client particulier. Enfin, on va organiser des networking expédition pour 10 ou 20 personnes décisionnaires (Communication & Marketing Officers…) de grands comptes et leur proposer une destination et un programme constitué de moments de networking et inspirants, de présentations de produits ciblés et des dernières nouveautés en termes d’intelligence artificielle et d’évolution produits. Ce format d’événement peut être organisé en France, notre centre de recherche et développement se trouvant dans la capitale, nous pouvons ainsi inviter nos meilleurs clients japonais, mais également dans d’autres destinations, aux États-Unis par exemple pour une cible américaine, pour des questions écologiques, de coût et de temps.
Mesurez-vous le ROI de ces événements ?
La mesure du ROI est primordiale pour le marketing expérientiel, et nous le mesurons assez finement. Nous suivons les leads commerciaux de nouveaux prospects générés par ces événements autant que l’évolution business des comptes avec lesquels nous travaillons déjà, que nous rencontrons lors de ces événements pour entretenir nos bonnes relations commerciales. Ces indicateurs nous permettent d’affiner le choix des événements auxquels nous participons ou que nous organisons, et les niveaux d’investissements budgétaires qui y sont liés.
Que représente la Communication globale Events ?
Nos deux cellules événementielles, une à Paris constituée de 5 personnes et une autre à New York avec 4 personnes développent des contenus et organisent des événements en lien avec l’actualité de l’entreprise et de notre secteur tout en prenant en compte les problématiques environnementales et les contraintes budgétaires. Cela demande de la réactivité et de la flexibilité. En effet, notre marché technologique évolue tellement rapidement que faire un plan à 3 ans dans une industrie comme la nôtre est assez irréaliste. Nous avons tendance à fonctionner avec des plans à 6 mois. Quand nous avons un plan à un an, nous savons que nous allons devoir le faire évoluer au fil de l’eau car les avancées technologiques et les évolutions réglementaires de tous les pays du monde impactent fortement notre business, et le plan de communication qui y est lié, dans laquelle la branche événementielle joue un rôle important. C’est un autre point majeur qui nous a aussi conduit à faire des événements plus fréquents et plus locaux, plutôt que de grands événements comme le Summit Global qui prennent un an et demi à organiser alors que nous avons une visibilité business à six mois, un an maximum.