Frédéric Mazzela (BlaBlaCar) : «  La communication a été déterminante pour démocratiser la pratique  »

BlaBlaCar connue pour être une entreprise française de covoiturage a étendu son champ d’action ces dernières années. Pouvez-vous nous la présenter ?

BlaBlaCar est un acteur nouveau de la mobilité sous différentes formes. Nous avons aujourd’hui trois activités complémentaires. La première est le covoiturage dit “longue distance”. La deuxième est le covoiturage du quotidien pour des trajets domicile-travail qui ont pris un nouvel essor avec la prime covoiturage mise en place récemment par le gouvernement. Nous sommes passés de 4 à 6 millions de covoiturages sur des courtes distances en France, entre 2022 et 2023. Enfin, la troisième activité est le bus avec la possibilité de réserver des billets de bus sur BlaBlaCar. C’était une nouveauté il y a quelques années, qui s’avère maintenant un très fort facteur de croissance y compris sur des nouvelles géographies comme le Brésil où le développement du bus est en plein essor. Nous sommes implantés dans plus de 20 pays, du Brésil à l’Inde en passant par le Mexique, et bien sûr une douzaine de pays en Europe.

Votre ambition est-elle de vous développer dans d’autres pays ?

Pas pour le moment. Nous sommes dans une période de consolidation et de croissance de ces nouvelles mobilités combinées, covoiturage et bus, sur les géographies dans lesquelles nous sommes déjà présents. Nous sommes une entreprise en croissance, qui réalise désormais plus de 200 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Quels messages souhaitez-vous véhiculer en termes de communication ?

Avant le lancement de BlaBlaCar, le fait de partager sa voiture n’était pas perçu comme valorisant. Mais nous avons réussi à rendre le covoiturage très attractif en mettant en avant tous ses avantages. Dans les débuts, le choix du covoiturage était principalement lié à la volonté de faire à tout prix des économies. Aujourd’hui, il est plutôt associé à l’adéquation avec les aspirations responsables modernes. Car, cette mobilité apparaît à la fois comme un acte de partage et de solidarité entre conducteurs et passagers, un acte responsable en permettant de diminuer les émissions de CO₂ par passager transporté, et un acte social en favorisant les rencontres.

Notre communication a mis en avant ces attributs pour réussir à embarquer tout le monde et à en faire un phénomène de société. Nous comptons aujourd’hui plus de 100 millions d’inscrits dans le monde, grâce à l’engouement que nous avons généré. Au-delà de faire connaître l’activité, la communication sur les atouts du covoiturage a été déterminante pour nous positionner et démocratiser la pratique.

Vos services sont une réponse aujourd’hui à l’urgence environnementale qui était moins perçue il y a une dizaine d’années ?

Oui, les vertus du covoiturage sont apparues plus évidentes au fur et à mesure que la société elle-même a changé de perception et a évolué dans sa mentalité. Notre service s’est retrouvé de plus en plus pertinent au fur et à mesure que le monde se transformait, passant d’un service considéré comme simplement économique, à une action portant une responsabilité notamment au niveau environnemental. Aujourd’hui, nos mots et notre but résonnent mieux.

Organisez-vous des événements ? Lesquels ?

Depuis plusieurs années, nous organisons l’Impact Day en interne, qui correspond aux valeurs de notre entreprise. Le dernier s’est déroulé le 13 juin 2023. C’est un événement annuel qui rassemble les collaborateurs de BlaBlaCar (800 dans le monde dont environ 400 en France) autour de projets à impact positif. Ce rendez-vous se fait par bureau dans les différentes villes de France ou les différents pays. Pendant une journée, les collaborateurs réalisent des actions en collaboration avec des associations locales. Par ailleurs, la vie de l’entreprise est rythmée, tous les 15 jours, par les BlaBla-Talk. Ce sont des sessions d’informations internes. À chaque session, un département - le marketing, la finance, la communication ou la tech… - présente les travaux qu’il a réalisés dans la semaine et ses projets pour les prochains mois. Ce format est un vecteur d’informations très fort qui permet à chacun d’identifier quelle est sa fonction dans l’entreprise, de mieux comprendre les différents métiers et ainsi être plus impliqué pour contribuer à ce qui se construit dans notre société. Les BlaBla-Talk sont hybrides, comme tous nos événements, pour permettre à nos collaborateurs partout en France et dans le monde de les suivre.

Qu’en est-il des événements externes ?

Dans les débuts, entre 2010 et 2015, nous avions une présence forte sur de nombreux festivals pour nous faire connaître et aller à la rencontre des covoitureurs sur le terrain toujours très contents de nous voir. Nous organisions également le BlaBlaTour. Chaque étape était l’occasion d’échanger avec les covoitureurs sur nos produits et leurs besoins. Ces échanges nous ont permis de faire évoluer et d’affiner nos services pour qu’ils soient plus adaptés à leurs attentes. Aujourd’hui, nos événements externes sont liés aux lancements de produits. Le 15 décembre dernier par exemple, nous étions présents sur le site d’Atinéa (centre dédié aux énergies décarbonées et aux mobilités du futur) à La Roche-sur-Yon avec Jean Castex (président de la RATP) pour annoncer notre partenariat avec l’Agglo et BlaBlaCar Daily, notre application de covoiturage de courte distance (domicile-travail). Cet événement qui nous a apporté des retombées presse en local mais également en national nous permet de faire connaître cette activité en plein essor et au fort potentiel. Chaque jour en France, 18 millions de voitures roulent à vide tous les matins et tous les soirs. Notre rôle est de faire en sorte que les taux d’occupation des voitures soient les plus hauts possibles pour diminuer l’impact environnemental mais aussi augmenter le pouvoir d’achat des covoitureurs en réduisant leur facture d’essence.

Quels sont vos axes de communication pour 2024 ?

Notre axe principal de communication cette année porte sur le développement accéléré du covoiturage domicile-travail, avec notamment le renouvellement de la prime covoiturage du gouvernement qui a été lancée l’année dernière et se poursuit cette année. Cette prime de 100 euros n’est pas négligeable, elle s’ajoute aux économies générées grâce au covoiturage. Les deux autres activités, le covoiturage longue distance ou les bus, sont déjà plus connues et nécessitent donc moins d’efforts de communication. Cette communication se fait le plus souvent en direct auprès de notre communauté via le digital.

Comment vous positionnez-vous dans l’écosystème étant à la fois dans la tech et la mobilité durable ?

Notre concept même de covoiturage repose à la fois sur le bon sens et les économies. Il suffit de rappeler que quand nous sommes plusieurs dans une voiture, le coût est moins cher. Et comme la plupart des coûts de déplacements sont liés à une facture énergétique notamment l’essence, nous réalisons également des économies sur cette facture et par conséquent nous dépensons moins d’énergie et nous polluons moins. Nous expliquons cette logique assez simple et implacable, notre but étant d’augmenter le taux d’occupation des voitures. Nous avons effectué une étude « 0 siège vide » avec un cabinet extérieur spécialisé dans les mobilités qui porte sur 85 millions de trajets dans plusieurs pays. Les résultats montrent que BlaBlaCar a un impact direct en permettant l’économie de 1,6 million de tonnes de CO₂ par an. Cela représente plus que l’intégralité des émissions de CO₂ du trafic routier d’une ville comme Paris chaque année et à peu près 3 % des émissions du parc automobile français. Ce sont des gains de pollution qui se chiffrent en pourcentage. Bien sûr, j’aimerais que cela se chiffre en dizaines de pourcentage, mais il y a encore du chemin à faire, beaucoup de voitures sont encore vides. Concernant la tech, BlaBlaCar est une plateforme destinée à optimiser le monde physique. Elle a été conçue pour avoir un impact positif sur l’environnement, c’est ce qu’on appelle l’Impact by design. En termes d’énergie, nous sommes un service de mise en relation qui sert des millions de personnes, tout en consommant très peu de numérique. Nous avons fait le calcul et avons révélé un impact de -700 pour BlaBlaCar, c’est à dire que pour 1 kg de CO₂ émis par BlaBlaCar, il y a 700 kg de CO₂ économisés dans l’atmosphère du fait de la mise en relation de personnes pour optimiser le taux de remplissage des voitures. Ainsi, plus BlaBlaCar grandit, plus la pollution diminue.

Quelles sont les ambitions de BlaBlaCar ?

Une de nos grandes ambitions est d’être maintenant perçu comme un acteur multimodal de la mobilité, capable de faire du covoiturage longue distance mais aussi du covoiturage courte distance et du bus. L’objectif est aussi de poursuivre le développement du covoiturage domicile-travail. C’est un vivier incroyable et un énorme gisement d’économie de CO₂.