Laurence Michelena - Fondation ARC « L’événementiel nous permet de transmettre notre optimisme »
Par Adélaïde de la Bourdonnaye | Le | Marques & entreprises
La Fondation ARC est 100 % dédiée à la recherche sur le cancer. Grâce à la générosité de ses donateurs, 34 millions d’euros sont dédiés chaque année à des projets de recherche porteurs d’espoir. Au-delà des évidents enjeux de levée de fonds, quels sont les objectifs de communication de cette fondation reconnue d’utilité publique ? Quels sont les leviers qu’elle actionne pour changer la perception qu’ont les Français de la recherche ? Et quelle y est la place de l’événementiel ? Laurence Michelena, sa Directrice de la Communication et de l’Information, nous éclaire. Entretien.
La Fondation Arc a déployé il y a trois ans une nouvelle identité. Quel en est le résultat aujourd’hui, avec un peu de recul ? Comment embrasse-t-elle vos enjeux de communication actuels ?
Lorsque je suis arrivée, il y a presque cinq ans, la Fondation ARC était assez discrète dans les médias. Je ne parle pas des actions de recherche de fonds, car il existait déjà un travail bien engagé, efficace, qui permettait de collecter des dons. Je parle de la perception de la Fondation par le grand public. Le défi a été de déterminer qui nous étions, quelle était notre identité, ce que nous voulions dire aux publics externes. Nous avons donc mené un travail sur la plateforme de marque, mobilisant toutes les parties prenantes : les 60 salariés, les 250 bénévoles dont les bénévoles scientifiques, le président, les différents comités… Il fallait que tout le monde se retrouve dans la nouvelle identité de la Fondation. Ce travail a duré environ un an et demi.
À l’issue de cette réflexion, nous avons élaboré une nouvelle identité graphique (logo, expression visuelle) et narrative, dans le but de rendre la recherche attractive. Nous l’avons progressivement diffusée à travers nos expressions extérieures. Le logo, joyeux et coloré, incarne la pluralité, la diversité, la proximité. Il symbolise un arc de compétences et une alliance, du chercheur au patient, pour vaincre la maladie.
Vous parlez de rendre la recherche attractive. Si je résume, l’objectif de la communication de la Fondation - en mettant de côté la levée de fonds - est de donner de la désirabilité à la recherche ? Voulez-vous créer des vocations ?
Pas seulement.
Il n’existe pas réellement de figures inspirantes de la recherche scientifique contemporaine dans l’imaginaire français. On pense à Marie Curie, Pasteur, ou parfois à des prix Nobel français. Mais aujourd’hui, il y a peu de chercheurs connus du grand public. L’objectif est de créer un imaginaire de la recherche, de faire le lien entre le monde de la recherche et le grand public, et de montrer que celle-ci est à portée de tous, loin des idées reçues éculées. Cela implique aussi de construire un imaginaire de la recherche auprès des médias, qui sont des relais d’information et d’influence majeurs.
Le cancer est un sujet difficile, souvent perçu sous un angle sombre. Or, la recherche évolue énormément, avec des espoirs et des avancées. Notre rôle est de mettre en lumière ces progrès, de montrer que la recherche peut être un sujet passionnant, de donner envie aux médias et au grand public de s’y intéresser. Nous voulons établir ce pont entre le monde de la recherche, les journalistes et la société.
Pouvez-vous nous indiquer votre budget global de communication ?
Nous dépendons exclusivement de la générosité du public et des mécènes. En tant que fondation reconnue d’utilité publique, nous devons redistribuer la majorité de ces dons aux projets de recherche. Environ 76 % de nos ressources sont consacrées aux projets de recherche et autres actions de mission sociale. Le budget communication et mission d’information est donc une petite part, ce qui est logique , il représente environ 3 % du budget total. Avec cela, nous faisons beaucoup de choses, grâce à la créativité, un mode de fonctionnement interne réactif, comme une agence et la volonté des partenaires extérieurs de travailler avec nous de manière raisonnée.
C’est modeste par rapport à d’autres organisations du monde marchand, mais cela nous convient et nous pousse à être créatifs.
Dans le secteur de la générosité, il y a une concurrence croissante, de nombreuses causes, des entreprises qui communiquent sur leur RSE. Nous devons émerger. Nous avons des idées, nous tentons des choses.
Un bon exemple serait votre exposition événement « Les Magnifiques ». Pouvez-vous nous détailler ce projet ?
L’exposition « Les Magnifiques » est née de la conviction que les chercheurs sont très inspirants. Nous avons notamment organisé des rencontres entre 8 chercheurs de niveau international et 8 écrivains. Les écrivains avaient carte blanche pour raconter la rencontre. Cela a donné 8 textes, regroupés dans un livre paru chez Flammarion. Nous avons aussi réalisé des capsules audio, des podcasts, des vidéos humoristiques avec l’humoriste Karim Duval, et fait appel à une illustratrice pour illustrer les émotions liées à l’aventure de la recherche, représenter les objets du laboratoire de manière « merveilleuse » .
Autour de ce travail, une exposition, qui offre un parcours sensible, émerveillant, étonnant et accessible autour de la recherche. Elle a été présentée deux fois à la Cité des Sciences à Paris, puis à Cap Sciences à Bordeaux. Elle a réuni plusieurs milliers de visiteurs. L’accueil est enthousiaste, tous publics confondus, et cela génère de l’intérêt médiatique. L’exposition va circuler à Strasbourg, Marseille, etc. Elle suscite beaucoup de curiosité, d’émotions et de participation. Cet événement nous permet de mettre en relation directe le public et la communauté scientifique.
Pouvez-vous maintenant revenir sur votre autre actualité en matière de communication par l’événement, votre film « Paroles de Chercheurs » ?
Le film « Paroles de Chercheurs » part d’une conviction : il ne fallait pas travailler de manière classique. Nous voulions magnifier les chercheurs les présenter comme des figures exceptionnelles. Le film est mis en scène comme un chœur, une parole collective, une sorte de chorale, où les chercheurs énoncent des aphorismes sur leur travail, leurs motivations, leurs espoirs. La réalisation est très soignée, ce qui les rend presque tangibles, accessibles.
Le film est diffusé en deux vagues, à la télévision et au cinéma. Il incarne pleinement notre volonté de montrer l’humanité, la passion, l’engagement de ces scientifiques, et de donner de la visibilité à la recherche.
Quid de l’émission itinérante « Têtes Chercheuses » ?
L’idée de l’émission « Têtes Chercheuses » est de mettre en lumière la recherche sur tout le territoire. Elle existe déjà à Lyon, Toulouse, et prochainement Marseille. Nous montrons les progrès scientifiques, les chercheur(e)s, les centres de recherche. L’objectif est de donner de l’espoir, car le cancer touche des millions de Français directement ou indirectement. Montrer les progrès de la recherche, c’est rassurer, inciter à y croire, à soutenir la cause. Nous voulons aussi que les médias régionaux s’emparent du sujet, car la recherche se fait partout, pas seulement à Paris.
À Toulouse, par exemple, nous avions un rugbyman ancien international du stade toulousain comme « voix naïve » pour poser les questions que se pose le grand public. Pour Marseille, nous envisageons de tourner en extérieur, dans un lieu emblématique, avec une personnalité marseillaise. Nous avons trouvé un format qui fonctionne, mélangeant plateau, reportage dans les labos, et témoignages.
Vous utilisez beaucoup le levier événementiel à travers l’exposition, les émissions, les rencontres. Quelle est votre vision de ce canal ? Qu’est-ce que l’événementiel apporte à la Fondation ARC ?
En dehors des nombreux événements que nous organisons pour lever des fonds (En chœur chanter pour la recherche, le Triathlon des Roses… ndlr), l’événementiel permet de créer une rencontre directe entre la Fondation et ses publics, de faire vivre une expérience de marque. C’est une façon audacieuse de présenter la Fondation, de faire ressentir l’esprit de la marque, d’établir une relation sensible, concrète. Cela casse l’image austère que l’on pourrait avoir d’une fondation. L’événementiel nous permet d’embarquer le public dans notre univers, de transmettre nos valeurs, notre optimisme, et de rendre la recherche plus accessible et désirable.
Comment mesurez-vous la réussite de vos actions de communication ?
Cela dépend de chaque action. Nous regardons les indicateurs d’audience, le nombre de visiteurs, le nombre d’exemplaires vendus pour le livre « Les Magnifiques », les retombées médiatiques.
Nous disposons également de baromètres d’image. Et on voit que cette image commence à évoluer. D’autre part, des journalistes de plus en plus nombreux viennent spontanément vers nous. C’est un très bon indicateur qui montre que notre stratégie porte ses fruits.
Quels sont les futurs projets communication dont vous pouvez nous parler ?
Nous travaillons sur la refonte de notre site, qui sortira en juin prochain. Il sera conçu comme une expérience vivante de la marque Fondation ARC, mettant en valeur les chercheur(e)s, avec des contenus pour tous les publics, y compris un volet pour encourager la générosité .
Nous prévoyons également une campagne sur le dépistage du cancer colorectal. À partir de 50 ans, on reçoit un test à faire chez soi, mais seulement 36 % des personnes le réalisent. C’est dommage, car ce dépistage sauve des vies. Nous allons lancer une campagne avec l’agence Becoming, très décalée, autour d’un personnage appelé « Mister Popo ». L’idée est de transformer cette incitation perçue comme désagréable en un message humoristique et décomplexé, pour inciter au test. Nous la révélerons autour du 4 février prochain (Journée mondiale contre le cancer)…